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heureux moment, avaient eu le bonheur de lui plaire, je ne découvrirais qu’obscurité. J’aurais mieux fait de rentrer à la maison. »

Elle prit son chapeau sur la table où il était placé, et elle en attachait le ruban, lorsque Hortense, dirigeant son attention vers un splendide bouquet de fleurs placé dans un vase sur la même table, dit que miss Keeldar l’avait envoyé de Fieldhead le matin même ; puis elle parla des convives que cette lady avait en ce moment et de la vie affairée qu’elle avait menée tout récemment, ajoutant qu’elle ne devait pas beaucoup aimer ce genre de vie, et s’étonnant qu’une personne qui aimait autant sa liberté que l’héritière ne trouvât pas le moyen de se débarrasser plus tôt de ce cortège de parents.

« Mais on dit qu’elle ne veut pas permettre à M. Sympson et à sa famille de partir, ajouta-t-elle. Ils désiraient beaucoup retourner dans le Midi la semaine dernière, pour recevoir leur fils unique que l’on attend au retour d’un voyage. Elle insiste pour que son cousin Henry vienne rejoindre ses amis ici dans le Yorkshire. Je suis sûre qu’elle fait cela en partie pour nous obliger, Robert et moi.

— Comment, pour obliger Robert et vous ? demanda Caroline.

— Eh quoi ! mon enfant, vous êtes stupide. Ne savez-vous pas… vous devez souvent avoir entendu dire…

— Madame, dit Sarah ouvrant la porte, les conserves que vous m’aviez dit de faire bouillir, les confitures, comme vous les appelez, sont toutes brûlées au fond du chaudron.

— Les confitures ! elles sont brûlées ? Ah ! quelle négligence coupable ! coquine de cuisinière, fille insupportable ! »

Et mademoiselle, prenant dans une armoire un grand tablier de cuisine et l’attachant sur son tablier noir, se précipita éperdue dans la cuisine, d’où, à dire vrai, s’exhalait une odeur de sucre brûlé plus forte que savoureuse.

La maîtresse et la servante avaient été en querelle ouverte toute la journée au sujet de la conservation de certaines cerises noires, dures comme du marbre, sûres comme des prunelles. Sarah soutenait que le sucre était le seul condiment orthodoxe que l’on dût employer. Mademoiselle maintenait, et elle appuyait son opinion de l’expérience pratique de sa mère, de sa grand-mère et de sa bisaïeule, que la mélasse était infiniment préférable. Elle avait commis une imprudence en laissant à Sarah la charge du chaudron de conserves, car son défaut de sympa-