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« Êtes-vous prête ? »

Caroline fit seulement un signe de tête affirmatif.

« Aimez-vous ce livre ? demanda Rose un instant après.

— Il y a longtemps, lorsque je le lisais étant enfant, il m’intéressait prodigieusement.

— Pourquoi ?

— Il semblait m’ouvrir la promesse, me donner le pressentiment d’un étrange roman à parcourir.

— Et en le lisant, il vous semble être loin de l’Angleterre, sous un autre ciel, le ciel d’Italie, ce ciel bleu du Midi décrit par les voyageurs.

— Cela vous impressionne, Rose ?

— Cela me fait soupirer après les voyages, miss Helstone.

— Quand vous serez femme, peut-être serez-vous à même de satisfaire votre désir.

— J’entends bien en trouver le moyen, si on ne me le donne pas. Je ne puis toujours demeurer à Briarfield. Le monde entier n’est pas très-grand, comparé à l’ensemble de la création : il faut au moins que je voie l’extérieur de notre ronde planète.

— Quelle partie ?

— D’abord l’hémisphère dans lequel nous vivons ; puis l’autre. Je veux que ma vie soit réellement une vie, non une noire extase, comme celle du crapaud enterré dans un bloc de pierre ; non une mort lente, comme la vôtre dans la rectorerie de Briarfield.

— Comme la mienne ? Que voulez-vous dire, enfant ?

— N’est-ce pas une longue et ennuyeuse mort que d’être pour toujours enfermée dans cette triste maison, que je prends, toutes les fois que je passe auprès, pour un tombeau auquel on aurait ouvert des fenêtres ? Je ne vois jamais aucun mouvement autour de la porte ; jamais un bruit ne s’échappe de ces murs. Je crois que jamais fumée n’est sortie de ces cheminées. Que faites-vous là ?

— Je couds, je lis, j’apprends des leçons.

— Êtes-vous heureuse ?

— Serais-je plus heureuse d’errer seule dans des pays étrangers, comme vous voudriez le faire ?

— Beaucoup plus heureuse, même lorsque vous ne feriez autre chose que d’errer. Souvenez-vous cependant que j’aurai un objet en vue : mais ne fissiez-vous que d’aller devant