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plaisaient à miss Mann. Sa robe d’étoffé brune ou de guingamp gris de tous les jours, et son air mélancolique habituel, convenaient plus à la solitaire vieille fille : elle voulut à peine reconnaître ce soir-là sa jeune amie, et la quitta avec un froid salut. Hortense ayant promis de la reconduire chez elle, elles partirent ensemble.

Caroline chercha alors Shirley. Elle aperçut son écharpe aux couleurs de l’arc-en-ciel et sa robe pourpre, dans le centre d’une réunion de ladies, toutes d’elle bien connues, mais qu’elle avait l’habitude d’éviter systématiquement toutes les fois qu’elle le pouvait. Plus timide en certains moments que dans d’autres, elle ne se sentait précisément alors nul courage de se joindre à cette compagnie ; elle ne pouvait cependant pas demeurer seule quand tous les autres se réunissaient par paire ou par groupes ; elle s’approcha donc d’une réunion de ses propres écolières, grandes filles, ou plutôt jeunes femmes, qui regardaient quelques centaines de plus jeunes enfants jouer au colin-maillard.

Miss Helstone savait que ces jeunes filles l’aimaient, et cependant elle était timide même avec elles en dehors de l’école ; elle ne leur inspirait pas plus de crainte qu’elle n’en ressentait elle-même pour elles ; si elle s’approchait de leur groupe en ce moment, c’était plutôt pour trouver protection en leur compagnie que pour les patronner par sa présence. Par instinct elles sentirent sa faiblesse, et leur civilité naturelle la leur fit respecter. Son instruction commandait leur estime lorsqu’elle les enseignait ; sa gentillesse attirait leurs regards ; et, parce qu’elle était considérée comme douce et bonne dans l’exercice de ses fonctions, elles oublièrent généreusement son évidente timidité en ce moment et n’en tirèrent aucun avantage. Toutes paysannes qu’elles fussent, elles avaient trop de sa propre sensibilité anglaise pour se rendre coupables de cette grossière erreur. Elles l’entourèrent poliment et affectueusement, accueillant ses légers sourires et ses efforts pour engager la conversation avec une bienveillance et une civilité qui la mirent aussitôt à son aise.

M. Sam Wynne arrivant en grande hâte pour insister afin que les grandes filles se mêlassent aux jeux aussi bien que les jeunes, Caroline demeura encore une fois seule. Elle méditait une tranquille retraite à la maison, lorsque Shirley, remarquant de loin son isolement, s’empressa de la rejoindre.