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de la paroisse à l’extrême arrière-garde. Helstone agita son chapeau : en un instant s’ébranlèrent les huit cloches de la tour ; les orchestres retentirent, le clairon répondit à la flûte, les tambours firent entendre leur roulement, et les armées se mirent en marche.

La route déroulait sa large voie blanche devant la longue procession ; le soleil brillait dans un ciel sans nuages ; le vent agitait doucement les feuilles des arbres. Les douze cents enfants et les cent cinquante adultes qui composaient les trois armées marchaient au pas et au son de la musique, le visage joyeux et le cœur content. C’était une belle scène et qui faisait plaisir à voir : c’était un jour de bonheur pour le riche et pour le pauvre ; l’œuvre de Dieu d’abord, puis celle du clergé. Rendons justice aux prêtres d’Angleterre. C’est une corporation qui laisse à désirer sous quelques rapports : ils sont de chair et de sang comme nous ; mais le pays serait dans un triste état sans eux. La Grande-Bretagne regretterait son Église, si cette Église venait à tomber. Que Dieu la conserve ! que Dieu aussi la réforme !




CHAPITRE XVI.

Le festin des écoles.


Elle n’allait pas au combat, elle ne marchait pas à la rencontre de l’ennemi, cette armée commandée par des prêtres et par des femmes ; et cependant sa musique jouait des airs guerriers, et, à en juger par les yeux et l’attitude de quelques-uns, de miss Keeldar, par exemple, ces airs éveillaient un esprit sinon martial, du moins plein d’ardeur. Le vieux Helstone, se retournant par hasard, aperçut le visage de Shirley, et ne put retenir un rire qu’elle comprit et qu’elle partagea.

« Il n’y a aucune bataille en perspective, dit-il ; notre pays n’a pas besoin que nous combattions pour lui : aucun ennemi ou tyran ne met en question ou ne menace notre liberté ; il n’y a rien à faire, nous exécutons seulement une promenade. Serrez les rênes, capitaine, et comprimez le feu de cette ardeur : nous n’en avons pas besoin… et c’est tant pis !