Page:Bronte - Shirley et Agnes Grey.djvu/266

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

préparer les chambres de la rectorerie pour recevoir une compagnie choisie, et à disposer une collation et des rafraîchissements, du vin, des fruits, des gâteaux, sur la crédence de la salle à manger. Puis elle dut revêtir sa plus belle robe de mousseline blanche. La parfaite beauté du temps et la solennité de l’occasion nécessitaient ce costume. Sa nouvelle robe, un présent que lui avait fait Marguerite Hall le jour de sa fête, et qu’elle avait toute raison de croire achetée par Cyrille lui-même, et en retour de laquelle elle lui avait donné une paire de collets en batiste dans une belle botte, fut attachée par les doigts habiles de Fanny, qui prit un grand plaisir à parer sa jolie maîtresse pour cette occasion. Son simple bonnet avait été fait pour aller avec la robe. Sa jolie et peu coûteuse écharpe de crêpe blanc s’harmoniait parfaitement avec le reste de la toilette. Lorsqu’elle fut prête, elle offrit un tableau qui n’était pas assez brillant pour éblouir, mais qui était assez joli pour intéresser ; qui ne frappait point par son éclat, mais qui plaisait par sa délicatesse : un tableau dans lequel la douceur du ton, le pittoresque et la grâce de la mine, compensaient l’absence de riche couleur et de magnifique contour. Ce que son œil brun et son front serein montraient de son âme était en rapport avec son vêtement et avec son visage modeste, doux, et, quoique rêveur, harmonieux. Ni l’agneau ni la colombe ne la devaient redouter ; ils pouvaient saluer au contraire dans son air de simplicité et de douceur une conformité avec leur propre nature, ou avec la nature que nous leur attribuons.

Après tout, c’était une imparfaite et défectueuse créature humaine : assez belle de forme, de teint et d’accoutrement ; mais, comme le disait Cyrille Hall, elle n’était ni si bonne ni si grande que la vieille et sèche miss Ainley, qui en ce moment mettait sa meilleure robe noire, son châle de quakeresse et son chapeau, dans la chambre étroite de son cottage.

Caroline se dirigea, en traversant les champs les plus écartés et les pelouses les plus cachées, du côté de Fieldhead. Elle glissait rapidement sous les haies vertes, et à travers les prairies plus vertes encore. Il n’y avait ni poussière ni humidité pour souiller l’ourlet de sa robe blanche ou mouiller sa légère chaussure. Les dernières pluies avaient tout lavé ; le soleil qui brillait alors avait tout séché. Elle marchait sans crainte sur les pâquerettes et sur le gazon et à travers les épaisses