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« Sortez ! dit-elle, et vivement, et ne remettez jamais les pieds dans cette maison. »

Donne était abasourdi. Pendant tout le temps, il avait cru se montrer à son grand avantage et comme une personne du premier ton. Il s’imaginait produire une impression étourdissante. N’avait-il pas exprimé son dédain pour tout ce qui tenait au Yorkshire ? Quelle preuve plus concluante pouvait-il donner de sa supériorité sur les habitants de ce comté ? Et, malgré cela, il allait se voir jeté comme un chien à la porte d’un jardin du Yorkshire. Dans de telles circonstances, où était « l’enchaînement mutuel des causes ? »

« Débarrassez-moi de votre présence à l’instant, à l’instant ! réitéra Shirley en le voyant hésiter.

— Madame, un ecclésiastique ! chasser un ecclésiastique !

— Fussiez-vous un archevêque, vous venez de me prouver que vous n’êtes pas un gentleman. Vous allez sortir, et promptement. »

Sa résolution était inébranlable ; ce n’était pas un jeu. D’ailleurs Tartare se levait ; il apercevait les symptômes d’une commotion et manifestait l’intention d’y jouer son rôle. Il n’y avait évidemment pas d’autre parti à prendre, et Donne opéra son exode : l’héritière lui envoya une profonde révérence en fermant la porte sur lui.

« Comment ce prêtre pompeux ose-t-il traiter ainsi ses paroissiens ? Comment cet infatué cockney ose-t-il mépriser le Yorkshire » fut la seule observation de Shirley en revenant prendre sa place à table.

Bientôt la réunion se sépara. Le front assombri, la lèvre contractée, l’œil en feu, Shirley ne paraissait nullement disposée à prendre sa part de joyeux amusements.