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vibrante, épargnez mes serrures, s’il vous plaît. Calmez-vous, et descendez ! Regardez Tartare, il ne ferait pas de mal à un chat. »

Et elle caressait Tartare, qui s’était accroupi à ses pieds, allongeait ses pattes de devant, agitait sa queue d’une façon menaçante, faisait ronfler ses narines, et dont les yeux de bouledogue brillaient d’un feu sombre. C’était un honnête, fantastique, stupide, mais opiniâtre caractère de chien. Il aimait sa maîtresse et John, l’homme qui lui donnait sa nourriture, mais était fort indifférent pour le reste du monde. Il était généralement assez calme, à moins qu’il ne fût frappé ou menacé d’un bâton ; dans ce cas il devenait féroce.

« Comment vous portez-vous, monsieur Malone ? continua Shirley en levant sa figure joyeuse vers la galerie. Ce n’est pas là le chemin du parloir ; c’est l’appartement de mistress Pryor. Priez votre ami M. Donne de vouloir bien l’évacuer. J’aurai le plus grand plaisir de le recevoir dans une salle moins élevée.

— Ah ! ah ! s’écria Malone d’un rire sourd, quittant la porte et s’appuyant sur la massive balustrade. Réellement, cet animal a effrayé Donne. Il est un peu timide, mon ami, continua-t-il en se redressant et s’avançant hardiment sur le devant de l’escalier. J’ai cru devoir le suivre afin de le rassurer.

— Et c’est ce que vous avez fait : eh bien, descendez, s’il vous plaît ; John, montez l’escalier et allez délivrer M. Donne. Prenez garde, monsieur Malone, l’escalier est glissant. »

Il était glissant, en effet, car il était en chêne poli. L’avertissement venait un peu tard pour Malone : il avait glissé déjà dans sa descente, et ne put se préserver d’une chute qu’en se cramponnant à la balustrade, ce qui fit craquer de nouveau toute la construction.

Il sembla à Tartare que la descente du visiteur s’opérait avec un éclat inconvenant, et il se mit à gronder de nouveau. Malone, cependant, n’était pas poltron ; l’attaque imprévue du chien l’avait pris par surprise : mais il passait maintenant à côté de lui avec plus de fureur réprimée que de crainte. S’il eût pu étrangler Tartare d’un regard, la pauvre bête n’eût pas respiré longtemps. Oubliant la politesse dans sa sombre rage, Malone entra au parloir avant miss Keeldar. Il regarda miss Helstone, et eut de la peine à se décider à la saluer. Il lança ensuite sur les deux ladies des regards furieux.

Cependant Shirley eut pitié de lui ; elle cessa de rire. Caroline était trop bien élevée pour se permettre même de sourire