Page:Bronte - Shirley et Agnes Grey.djvu/197

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

— Mais où est la différence de caractère dont vous parliez ? Dites-le-moi. Je désire savoir si vous jugez bien.

— Ma chère, votre oncle est un homme de principes : son front et ses lèvres sont fermes, et son œil est fixe.

— Bien ; et l’autre ? Ne craignez pas de m’offenser, j’aime la vérité.

— Aimez-vous la vérité ? C’est fort bien à vous. Attachez-vous à cette préférence, ne vous en départez jamais. L’autre, ma chère, s’il eût vécu jusqu’à ce jour, eût probablement été d’un faible secours pour sa fille ; c’est cependant une gracieuse tête, prise dans sa jeunesse, je crois. Ma chère (se retournant tout à coup), vous attachez une inestimable valeur aux principes ?

— Je suis sûre qu’aucun caractère ne peut avoir de valeur sans eux.

— Vous sentez l’importance de ce que vous dites ? Vous avez réfléchi sur ce sujet ?

— Souvent. Les circonstances l’ont de bonne heure fait l’objet de mon attention.

— Alors la leçon n’a pas été perdue, quoique venue si prématurément. Je suppose que le sol n’est ni aride ni pierreux ; autrement, la semence tombant en cette saison n’eût jamais porté de fruits. Ma chère, ne restez pas ainsi sur la porte, vous pourriez vous enrhumer. Bonsoir. »

Les nouvelles connaissances de miss Helstone lui devinrent bientôt précieuses. Leur société fut considérée comme un privilège. Elle reconnut qu’elle aurait eu tort de laisser échapper cette occasion de soulagement, de négliger de profiter de cet heureux changement. Un mouvement nouveau fut imprimé à ses pensées ; une nouvelle issue leur fut ouverte, qui, en détournant quelques-unes au moins de l’unique direction qu’elles avaient suivie jusqu’alors, abattit l’impétuosité de leur cours, et diminua la force de leur pression sur le point douloureux.

Bientôt elle fut enchantée de passer des journées entières à Fieldhead, faisant tour à tour ce que désiraient d’elle Shirley et mistress Pryor ; et elle était à tout instant réclamée par l’une ou par l’autre. Rien n’était moins démonstratif que l’amitié de mistress Pryor ; mais aussi rien ne pouvait être plus vigilant, plus assidu, plus infatigable. J’ai dit qu’elle était un singulier personnage ; et rien ne mettait mieux sa sin-