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L’ex-gouvernante déclina toute espèce d’habileté dans la controverse politique et religieuse, déclara que, selon elle, ces matières ne convenaient pas aux intelligences féminines, mais avoua en termes généraux qu’elle était pour l’ordre et la loyauté, et surtout très-sincèrement attachée au gouvernement et à l’Église. Elle ajouta qu’elle avait une profonde aversion pour le changement, et quelques mots à peine intelligibles, sur l’extrême danger de se montrer trop disposé à adopter des idées nouvelles, terminèrent sa tirade.

« J’espère que miss Keeldar pense comme vous, madame.

— La différence d’âge et la différence de tempérament occasionnent souvent une différence de sentiment, monsieur Helstone. On ne peut s’attendre à ce que la jeunesse ardente et vive ait les opinions de l’âge mûr et de la froide vieillesse.

— Oh ! oh ! nous sommes indépendante ; nous pensons par nous-mêmes ! s’écria M. Helstone. Nous sommes un petit jacobin, un petit libre penseur ! Allons, faites-moi sur-le-champ votre profession de foi. »

Puis il prit les deux mains de l’héritière, faisant ainsi tomber toute sa provision de fleurs, et l’assit à côté de lui sur le sofa. « Dites votre confession de foi.

— Celle des Apôtres ?

— Oui. »

Elle récita son Credo comme le fait un enfant.

« Maintenant, celle de saint Athanase. Voilà l’épreuve !

— Laissez-moi ramasser mes fleurs ; voilà Tartare qui vient et va marcher sur elles. »

Tartare était un grand et vigoureux chien, très-laid, moitié mâtin et moitié bouledogue, qui en ce moment entrait par la porte vitrée, et, se dirigeant tout droit sur le tapis, allait flairer les fleurs éparses en cet endroit. Il parut les dédaigner comme nourriture ; mais, pensant probablement que leurs pétales veloutés feraient une assez douce litière, il se préparait à déposer sur elles son corps basané, lorsque miss Helstone et miss Keeldar s’élancèrent simultanément à leur secours.

« Merci, dit l’héritière en tendant son petit tablier à Caroline, qui y entassa les fleurs. Est-ce votre fille, monsieur Helstone ?

— C’est ma nièce Caroline. »

Miss Keeldar lui donna une poignée de main, puis la regarda. Caroline aussi fixa ses yeux sur son hôtesse.