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CHAPITRE V


— Un beau matin de juin est né mon premier petit nourrisson, le dernier de l’ancienne famille des Earnshaw. Nous étions occupées aux foins dans un champ éloigné lorsque la fille qui avait l’habitude de nous apporter à déjeuner est accourue, une heure à l’avance, traversant la prairie et remontant la ruelle, et m’appelant tout le temps qu’elle courait.

— Oh ! un si grand bébé, cria-t-elle, le plus beau qui ait jamais vécu ! Mais le docteur dit que Madame doit s’en aller : il dit qu’elle a été poitrinaire depuis plusieurs mois. Je l’ai entendu le dire à M. Hindley : et maintenant elle n’a rien pour la garder en vie, et elle sera morte avant l’hiver. Il faut que vous rentriez à la maison tout de suite. C’est vous qui aurez à être sa nourrice, Nelly : à le nourrir de sucre et de lait et à prendre soin de lui jour et nuit. Je voudrais bien être à votre place, parce que cet enfant sera tout à fait à vous quand il n’y aura plus Madame.

— Mais est-ce qu’elle est très malade ? demandai-je, jetant mon râteau et attachant mon bonnet.

— Je devine qu’elle doit l’être ; mais elle a l’air si brave, répondit la fille, et elle parle comme si elle avait l’idée de vivre pour voir l’enfant devenir un homme. Elle a perdu la tête de joie, l’enfant est si beau ! Si j’étais à sa place, je suis sûre que je ne mourrais pas ; je me sentirais mieux portante rien qu’à le regarder, malgré le médecin.

« J’étais vraiment folle de le voir. Dame Archer a descendu