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bien peur, si ce n’est sur ses propres affaires, et celles-là ne m’intéressaient guère. Pourtant, après avoir réfléchi quelques minutes, ses poings sur ses genoux et avec un nuage de méditation sur sa dure physionomie, elle s’écria :

— Ah ! les temps ont bien changé depuis !

— Ah ! fis-je, vous avez dû voir beaucoup de changements, je suppose ?

— Oui, et des malheurs aussi, répondit-elle.

— Oh, pensai-je, je vais tourner la conversation sur la famille de mon propriétaire ! un excellent sujet à mettre en train. « Et cette jolie veuve, je serais heureux de savoir son histoire : d’apprendre si elle est une indigène du pays ou, ce qui est plus probable, une étrangère que les habitants des Heights ne veulent pas reconnaître pour parente. » Je demandai donc à Madame Dean pourquoi Heathcliff avait quitté Thrushcross Grange, et préférait vivre dans une situation et une résidence si manifestement inférieures. « N’est-il pas assez riche pour tenir la maison en bon ordre ? » demandai-je.

— Riche, monsieur ! Il a, personne ne sait combien d’argent, et tous les ans davantage. Oui, oui, il est assez riche pour vivre dans une maison plus belle que celle-ci ; mais il est très serré, très avare ; et s’il était venu s’établir à Thrushcross Grange, l’idée qu’il aurait pu gagner quelques centaines de plus en louant cette maison à un bon locataire l’aurait rendu trop malheureux. Il est bien étrange que des gens soient si avides quand ils sont seuls dans le monde !

— Mais il avait un fils, je crois ?

— Oui, il en avait un, il est mort.

— Et cette jeune dame, Madame Heathcliff, est sa veuve ?

— Oui.

— D’où vient-elle ?