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où rien ne trahissait sa ruse intime. Il rapprocha son cheval de la porte, et se penchant, ajouta :

— Miss Catherine, je dois vous avouer que j’ai peu de patience avec Linton et que Hareton et Joseph en ont moins encore. Il a besoin de bonté autant que d’amour, et une bonne parole de vous serait pour lui le meilleur remède. Ne faîtes donc pas attention aux avertissements cruels de Madame Dean ; soyez généreuse et faites votre possible pour venir le voir. Il rêve de vous jour et nuit, et ne peut s’ôter de l’esprit que vous le détestez, ne recevant de vous ni lettre ni visite.

Je refermai la porte et poussai une pierre pour tenir lieu, en attendant, de la serrure brisée ; après quoi, ouvrant mon parapluie, j’en couvris Cathy, car la pluie commençait à goutter à travers les feuilles des arbres, et nous avertissait de rentrer sans délai. Notre hâte nous empêcha d’échanger aucun commentaire sur la rencontre avec Heathcliff, mais je devinai d’instinct, qu’il y avait désormais sur Catherine un double nuage sombre ; Ses traits étaient si tristes qu’ils ne paraissaient pas être les siens ; évidemment elle considérait ce qu’elle venait d’entendre comme tout à fait exact.

Lorsque nous rentrâmes, M. Linton s’était déjà retiré dans sa chambre. Cathy courut pour s’informer de lui, mais il s’était endormi. Alors elle revint et me pria de m’asseoir avec elle dans la bibliothèque. Nous primes le thé ensemble, après quoi elle s’étendit sur le tapis du foyer et me dit de ne pas lui parler, car elle était très lasse. Je pris un livre et j’affectai de lire. Dès qu elle me supposa toute absorbée par ma lecture, elle recommença à pleurer en silence : cela semblait à présent sa distraction favorite. Je la laissai tranquille un moment, puis je me mis à tourner en ridicule les assertions de M. Heathcliff, mais l’effet produit par ses paroles avait été trop fort et je ne pus rien contre lui.