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seuls, deux ou trois petits journalistes signalèrent des vers d’un certain Ellis Bell (c’était le pseudonyme d’Emily) comme se distinguant des vers qui les entouraient par un accent assez nouveau.

Il n’y a en effet aucun rapport entre les vers d’Ellis Bell et ceux de ses deux sœurs. La facture y est souvent un peu embarrassée, mais les sentiments sont d’une originalité si profonde que je ne connais pas de poèmes anglais ayant une saveur aussi absolument personnelle. Un seul sujet, à dire vrai : le désir de mourir ; mais, à l’appui de ce sujet, une façon de philosophie panthéiste et pessimiste, des images d’une noblesse superbe et le plus étrange accent de morne tristesse découragée que l’on puisse imaginer.

Voici, par exemple, un petit poème que je voudrais qu’on lise dans le texte anglais :

Les richesses, je les tiens en maigre estime ; et l’amour je me ris de le dédaigner ; et le désir de la renommée n’a été qu’un rêve qui s’est évanoui avec le matin.

Et si je prie, la seule prière qui agite mes lèvres, pour moi-même, est : « Laissez-moi ce cœur que je porte à présent, et rendez-moi la liberté. »

Oui, à mesure que mes jours s’écoulent, c’est là tout ce que je demande dans la vie et dans la mort, une âme libre de chaînes, avec du courage pour supporter.

L’insuccès du recueil de poèmes, loin de décourager Charlotte, lui donna la résolution de s’imposer de suite à l’attention du public par un livre d’une lecture plus facile. Elle conçut le plan d’un roman, ce médiocre Professeur, qu’elle devait plus tard refondre dans son Vilette. Et comme elle s’était promis de