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l’intérêt est tout moral et consiste dans la minutieuse peinture des mille nuances d’une très étrange passion. Mais il m’a semblé que ce serait encore une façon d’apprécier et de juger ce roman que de montrer l’âme attirante et mystérieuse dont il est le produit. Dans un temps où il suffit à Mademoiselle Marie Bashkirtseff de laisser voir à outrance le détail de ses excentricités pour devenir quelque chose comme la Vierge d’une religion nouvelle, j’ai pensé que la native et bien involontaire singularité de l’auteur de Wuthering Heights pourrait valoir quelque sympathie à cette pâle jeune fille, la plus chère pour moi entre toutes celles dont on aperçoit l’image dans les livres. Aussi bien le livre excellent de miss Mary Robinson m’offre-t-il de la manière la plus parfaite tous les traits de cette image : il n’y a pas un fait important de la vie d’Emily qui ne s’y trouve rapporté, à la place et sous le jour qui conviennent.



Emily Brontë est née en 1818, à Thornton, mais elle avait à peine deux ans lorsque ses parents s’établirent à Haworth, dans le Yorkshire, où l’on peut bien dire que s’est passé tout ce qu’elle a vécu de sa vie.

Son père, le Révérend Patrick Brontë, B. A. (de son vrai nom Prunty), était né en Irlande de parents irlandais : par lui s’est transmis à Emily et à son frère Branwell ce pur sang celtique qui les fait voir si différents des natures anglo-saxonnes dans chacun des traits de leur esprit et de leur caractère. C’était au surplus un niais et un assez pauvre sire que le