Page:Brontë - Un amant.djvu/113

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

que Heathcliff en apercevant au dessus de l’escalier M. Earnshaw. Plus clairement que ne l’auraient pu des paroles, le visage de Heathcliff exprimait une angoisse intense d’avoir lui-même laissé se perdre une occasion de vengeance. S’il avait fait nuit, je crois bien qu’il aurait essayé de réparer sa faute en écrasant la tête d’Hareton sur les degrés, mais nous avions été tous témoins de son salut, et déjà j’étais en bas avec ma précieuse charge pressée contre mon cœur. Hindley descendait plus lentement, désolé et ahuri.

— C’est votre faute, Ellen, me dit-il, vous auriez dû le garder loin de ma vue, vous auriez dû me le retirer des mains. Est-ce qu’il est blessé ?

— Blessé ? m’écriai-je furieuse ! s’il n’est pas tué, il en restera idiot pour la vie. Oh ! je m’étonne que sa mère ne se lève pas dans son tombeau pour voir de quelle façon vous en usez avec lui. Vous êtes pire qu’un païen ; traiter de cette façon votre chair et votre sang !

Il essaya de toucher l’enfant, qui, se trouvant maintenant avec moi, avait tout de suite fini d’écouler sa terreur en sanglots. Pourtant au premier doigt que son père mit sur lui, il se reprit à crier plus fort qu’auparavant et à se débattre comme s’il allait entrer en convulsions.

— Vous ne le toucherez pas, continuai-je. Il vous hait, tout le monde ici vous hait, c’est la vérité ; une heureuse famille que vous avez, et un bel état où vous êtes arrivé !

— J’arriverai encore à un plus beau, Nelly ! ricana cet homme égaré, qui avait recouvré sa dureté naturelle. À présent, emmenez loin d’ici vous-même et cet enfant. Et vous, Heathcliff, écoutez, éloignez-vous aussi, tout à fait hors de prise de mes mains et de mes oreilles. Je ne voudrais pas vous tuer ce soir, si ce n’est peut-être en mettant le feu à la maison ; mais cela dépendra de ma fantaisie.