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Dans un pays où le roman est considéré de plus en plus comme un genre de dames et de demoiselles, on évite d’insister sur un roman aussi peut fait pour l’édification morale ou l’inoffensive récréation des familles : sans compter que Wuthering Heights est l’œuvre d’une jeune fille qui, n’ayant jamais rien su de la vie, a inventé de toutes pièces le sujet et les caractères, et qui a ainsi laissé l’exemple d’une imagination en vérité très originale, mais nullement telle que des parents anglais en peuvent souhaiter chez leurs filles.

De temps à autre seulement, certains écrivains d’une hardiesse éprouvée osent proclamer leur admiration pour le génie d’Emily Brontë. C’est ainsi que, en 1877, dans un de ces essais où la noblesse de l’intention et l’abondance des métaphores suppléent de leur mieux à l’absence de tous arguments critiques, M. Swinburne a eu le courage d’affirmer la supériorité de Wuthering Heights sur les plus fameux romans de George Eliot, alors au comble de sa faveur près du public anglais. Bien avant lui, d’ailleurs, et dès 1848, c’est-à-dire l’année même de la mort d’Emily Brontë, un poète d’une vigueur de raison et d’une délicatesse de sentiment tout à fait remarquables, Sidney Dobell, avait rendu hommage, dans la revue le Palladium, au génie du romancier nouveau, qui n’était connu encore que sous son pseudonyme d’Ellis Bell. Il y a quelques années enfin, en 1883, miss Mary Robinson a consacré à Emily Brontë un volume de la collection des Eminent Women, un volume plein de détails curieux, que vient relever tout le long des