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d’abord les joues de Marie, puis les boucles flottantes de Diana ; elles riaient et m’embrassaient ; puis ce fut au tour d’Anna ; enfin Carlo qui était presque fou de joie, eut aussi sa part. Elles me demandèrent si tout allait bien, et, quand je leur eus répondu affirmativement, elles se hâtèrent d’entrer.

Elles étaient engourdies par les cahots de la voiture et glacées par l’air froid de la nuit, mais elles s’épanouirent devant la lumière du feu. Pendant que le cocher et Anna apportaient les paquets, elles demandaient où était Saint-John. À ce moment celui-ci sortait du salon. Toutes deux lui jetèrent les bras autour du cou. Quant à lui, il leur donna à chacune un baiser calme, murmura à voix basse quelques mots pour leur souhaiter la bienvenue, resta quelque temps à écouter ce qu’on lui disait ; puis, prétextant que ses sœurs allaient bientôt le rejoindre au salon, il retourna dans sa retraite.

Je leur avais préparé des lumières pour monter dans leurs chambres ; mais Diana voulut d’abord donner quelques ordres hospitaliers à l’égard du cocher ; après cela toutes deux me suivirent. Elles furent enchantées des changements que j’avais faits ; elles ne cessaient d’admirer les nouvelles tentures, les tapis tout frais, les vases de belle porcelaine ; elles m’exprimèrent leur reconnaissance chaleureusement. J’eus le plaisir de sentir que tout ce que j’avais fait répondait parfaitement à leurs désirs et ajoutait un grand charme à leur joyeux retour.

Cette soirée fut bien douce. Mes heureuses cousines furent si éloquentes et eurent tant de choses à raconter, que je ne m’aperçus pas beaucoup du silence de Saint-John. Celui-ci était sincèrement content de voir ses sœurs ; mais il ne pouvait pas prendre part à leur enthousiasme et à leurs flots de joie : le retour de Diana et de Marie lui faisait plaisir ; mais le tumulte joyeux et la réception brillante l’irritaient ; je vis qu’il désirait être au lendemain, espérant plus de calme. Vers le milieu de la soirée, à peu près une heure après le thé, on entendit un coup à la porte ; Anna entra nous dire qu’un pauvre garçon venait chercher M. Rivers pour sa mère mourante. « Où demeure-t-il, Anna ? demanda Saint-John.

— Tout au haut de Whitcross-Brow ; c’est presque à quatre milles d’ici, et tout le long du chemin il y a des marécages et de la mousse.

— Dites-lui que je vais y aller.

— Vous feriez mieux de ne pas y aller, monsieur ; il n’y a pas de route plus mauvaise la nuit ; à travers les marais, le chemin n’est pas tracé du tout. Et puis la nuit est si froide ! vous