qui rendit nécessaire de rechercher la gouvernante ; on apprit qu’elle était partie ; personne ne put savoir quand, comment, ni pour aller où ; elle avait quitté le château de Thornfield pendant la nuit. Toutes les recherches sont restées infructueuses ; on a parcouru tout le pays sans avoir pu rien apprendre sur elle, et pourtant il est indispensable qu’on la trouve ; on a écrit dans tous les journaux ; moi-même j’ai reçu une lettre d’un M. Briggs, procureur, où l’on me communiquait les détails que je viens de vous rapporter ; n’est-ce pas une histoire étrange ?
— Répondez-moi seulement à ce que je vais vous demander, dis-je ; vous le pourrez certainement. Qu’avez-vous appris sur M. Rochester ? Où est-il ? que fait-il ? Se porte-t-il bien ?
— Je ne sais rien sur M. Rochester ; la lettre n’en parle que pour mentionner son dessein illégal. Vous devriez plutôt me demander le nom de la gouvernante et l’événement qui rend sa présence indispensable.
— Personne n’est donc allé au château de Thornfield ? personne n’a donc vu M. Rochester ?
— Je ne pense pas.
— Lui a-t-on écrit ?
— Certainement.
— Et qu’a-t-il répondu ? Qui a sa lettre ?
— M. Briggs me dit que la réponse à sa demande n’a pas été faite par M. Rochester, mais par une dame qui signe Alice Fairfax. »
Je me sentis froide et consternée. Ainsi mes craintes étaient fondées : il avait probablement quitté l’Angleterre et, dans son désespoir, était retourné vers un de ses anciens repaires du continent ; et quels adoucissements avait-il cherchés à ses cruelles souffrances, quels objets pour satisfaire ses fortes passions ? Je n’osais pas répondre à cette question. Oh mon pauvre maître ! lui qui avait presque été mon mari ! lui que j’avais si souvent appelé mon cher Édouard !
« Cet homme devait être mauvais, observa M. Rivers.
— Vous ne le connaissez pas, ne le jugez pas ainsi ! m’écriai-je avec chaleur.
— Très bien, me dit-il tranquillement ; du reste je suis occupé d’autre chose que de lui, j’ai mon histoire à finir. Puisque vous ne voulez pas me demander le nom de la gouvernante, je vais vous le dire moi-même ; attendez, je l’ai ici : il vaut toujours mieux avoir les choses importantes soigneusement écrites sur le papier. »