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SOUVENIRS D’UNE MORTE VIVANTE

Les gouvernements comprennent mieux que les prolétaires la puissance énorme que pourrait avoir une véritable internationale. Les poursuites ne tardèrent pas à commencer, et pourtant il n’y eut que bien peu de Français qui comprirent la force, la puissance que l’association leur mettait entre les mains.

L’esprit de routine est si puissant chez nous qu’on ne voyait dans l’Internationale qu’un mouvement erratique, plus ou moins fort. On ne forme pas l’esprit d’un peuple en quelques jours, surtout un peuple foncièrement conservateur, comme le peuple français, qui veut bien changer le titre de son gouvernement, mais qui refuse absolument de changer l’essence même de son organisation et de ses institutions, tout en en reconnaissant les fautes et les dangers.

Il y eut plus de travailleurs de l’esprit que d’ouvriers manuels qui s’enrolèrent d’abord dans les rangs de l’internationale (Jules Simon par exemple, Delescluse, plus tard Élysée Reclus). Quand à moi, lorsque j’ai fait partie de la société, j’ai compris l’immense portée de cette union. Dans nos réunions de petit groupe, nous entendions les discours enflammés de nos camarades, nous nous laissions entraîner par notre foi, nous étions emportés par notre idéal. Pour nous Frankel était aussi bien notre compatriote qu’un Montmartrois (quoiqu’il fût Hongrois).

L’internationale n’a pas eu toute la portée qu’on lui a prêtée sur les événements de 1870 et 71. Cette association n’a pas eu d’influence sur la proclamation de la Commune. Ce que le peuple voulait de ses élus,