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SOUVENIRS D’UNE MORTE VIVANTE

tendre la main pour demander aux passants de m’aider à sauver la vie de mon enfant. Non, me suis-je dite, non ! Je ne puis me décider à tendre la main ; on me prendra pour une menteuse, ou une aventurière.

Pourquoi ces gens, auraient-ils pitié de moi ; ils ne me connaissent pas. Les instants pressaient, mon enfant était étendu sur son lit, il faut agir, je prends une grande résolution, j’ouvre la porte très décidée à prendre la fiole, si on me refusait le crédit, j’avais l’air si désespérée, si effrayante peut-être !

Lorsque le pharmacien me mit le flacon entre les mains, je tremblais, j’étais émue, je lui racontai mon chagrin, il le comprit. J’étais si heureuse, si j’avais osé, je l’aurais embrassé, je crois. Le lundi je suis allée lui rendre l’argent, et nous sommes restés bons amis jusqu’au moment où j’ai quitté la France (en 1872). Un pharmacien ne devrait jamais refuser un crédit, après ordonnance d’urgence. (Le cas échéant, où la note ne serait pas payée, il pourrait se faire rembourser par la Mairie de son arrondissement en justifiant la dette. Le budget paie des choses de bien moindre importance.)

Je courus chez-moi ; mon cher petit était toujours très mal, je lui fis prendre sa potion, je lui mis un vésicatoire entre les deux épaules ; pendant plusieurs heures, il nous donna de grandes inquiétudes, petit à petit le mieux se fit sentir. La respiration semblait se rétablir, à l’aurore mon petit ange était sauvé.

Heureusement, ma mère était avec moi, sans elle je n’aurais pas pu travailler et soigner mon petit.

Mon mari, nerveux à l’excès, n’était en ce moment-