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SECONDE PARTIE

ans, à Menny, à Jargeau, l’étendue des eaux atteignit 200 mètres, dans l’espace de quelques instants.

Dès notre entrée en ville, tous abandonnèrent la procession. C’était une panique générale.

Ma mère et moi, nous allâmes visiter les quartiers riverains du fleuve. Quelle horrible chose ! Les vieilles masures craquaient de toutes parts. De pauvres gens qu’on cherchait à sauver soit avec des bateaux, des tonneaux, des planches, poussaient des cris lamentables. Il fallait presque les arracher de force. Ils se réfugiaient sur les toits. Les maisons s’effondraient. Dans la rue de Notre-Dame de Recouvrance, l’eau avait envahi jusqu’à la toiture de l’église. Plusieurs personnes furent noyées.

Les bateaux chaviraient, sauvés et sauveteurs disparaissaient dans ce gouffre.

Les digues de la Loire étaient rompues.

Nous sommes revenues du côté de la ville, près du Pont Royal. Quel terrible spectacle ! On ne cherchait pas à sauver les meubles mais la vie de ces pauvres gens atteints par le fléau.

On entendait des cris de détresse, d’enfants et de vieillards dont les vieilles masures s’anéantissaient. Tout disparaissait avec un grand fracas, et c’était fini !

La Loire s’étendait sans borne, à l’infini. On aurait dit la mer en furie. C’était horrible. Cela dura une huitaine de jours au moins.

Lorsque les eaux commencèrent à baisser nous vîmes sur les flots des épaves sans nombre : des meubles, des lits, des fagots, du bois en grande quantité, du