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SOUVENIRS D’UNE MORTE VIVANTE

sable, je l’ai dit à votre agent. J’ai fait mon devoir, je n’avais pas le droit d’agir autrement.

— À notre grand regret, je dois vous transmettre les ordres que nous avons reçus, vous concernant.

Étant donné vos bons services pendant votre longue période d’enseignement au lycée, vous ne serez pas arrêté, mais il faut vous expatrier. Vous avez quarante-huit heures pour quitter la France.

— C’est bien, je partirai.

En arrivant chez lui il s’évanouit ; il eut la force de résister pendant quelques temps, mais il ne put se contenir davantage, le coup était trop inattendu, trop cruel !

Mme Texier, en apprenant la terrible nouvelle, était désespérée. Elle ne partageait pas, sur tous les points, les idées de son mari, tandis que les enfants soutenaient leur père. Elle voyait, non sans raison, avec un grand chagrin, l’abandon immédiat de l’institution qu’elle avait fondée, son mari, brisé, n’ayant qu’une faible santé !

Chère amie, dit-il à sa femme, je m’en irai seul, tu resteras avec les enfants, et, lorsque je serai installé, vous viendrez, tous les trois, partager mon exil. Ils ne voulurent pas le laisser partir seul.

Mme Texier décida de partir avec lui. Mlle Élise Texier resterait avec son frère, elle liquiderait la situation. Quand tout serait fini, ils iraient à Bruxelles rejoindre leurs parents.

Ma mère resta pour les aider aux préparatifs du départ. Le surlendemain, par une soirée sombre, sous