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SOUVENIRS D’UNE MORTE VIVANTE

raconta comment il avait passé ces trois jours, il était aux Tuileries au moment de l’invasion populaire avec sa compagnie. Le récit qu’il nous fit était triste, cependant, il était heureux, espérant la proclamation de la République. Il nous dit aussi qu’il avait vu gravé sur les moulures du trône :

Le peuple de Paris à l’Europe entière.
Liberté ! Égalité ! Fraternité !

ces 3 derniers mots sont maintenant notre devise nationale.

Nous avons vu défiler devant nos fenêtres des bandes populaires, chantant à tue-tête des chants révolutionnaires, portant au bout de leurs baïonnettes ou de leurs bâtons des jambons, des pains, ou toutes sortes d’oripeaux comme trophées de gloire.

25 février. Un gouvernement provisoire ayant été proclamé, tout le monde se réjouissait, on fraternisa ; dans les rues de Paris il y eut des banquets chacun apportait sa part. On planta des arbres de la liberté, des prêtres vinrent les bénir, et devant l’église St-Eustache où j’avais été baptisée dix ans avant, on planta un magnifique chêne qui fut à moitié brisé ; comme emblème des chaînes brisées, et de la délivrance.

En 1848 on était croyant, même les intellectuels. Ils considéraient Jésus, comme le premier représentant du peuple. Cela a bien changé, les arbres bénis par les prêtres sont morts, et la foi chrétienne avec eux.

Ce fut la dernière étape révolutionnaire accomplie sous l’égide de l’église.