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SIXIÈME PARTIE
19 février.

Chère sœur,

Dis à ma cousine Marie que je l’attends jeudi, sans faute, elle prendra le train à 11 heures du matin pour Suresne, elle viendra directement au fort du Mont-Valérien, au dépôt des condamnés, si je n’y étais plus elle reprendra le chemin de fer pour Versailles, c’est à Satory qu’elle me trouvera.

Au moment où je finis ces lignes on est venu me prendre mon portrait et je pars pour le Mont-Valérien, maintenant je suis un condamné, je n’ai plus de nom, je suis le No.

Au revoir, ma chère sœur, dans deux ans moins trois jours nous nous reverrons. Tu vois cela passe vite !… etc.

Le jeudi comme il était convenu, je prends le train de Suresne, je me rends au Mont-Valérien au dépôt, on me dit que R. était au camp de Satory.

Je dus reprendre le train pour Versailles. Dans cette ville, je suis arrivée par une chaleur excessive, on m’indiqua le château où je trouverais la Prévosté, devant la grille du château, il y avait une foule compacte composée de tous les éléments civils et militaires, beaucoup de police ; ce sont les plus redoutables ennemis pour moi. Enfin il me faut aller jusqu’au bout.

Je demande où il faut m’adresser pour avoir l’autorisation de visiter un prisonnier qui a été condamné le 11 février, venant du Tage. Je donne son nom, un gendarme me donne un numéro, m’introduit dans une immense galerie, au bout de laquelle il y a du côté gauche une très grande table servant de bureau. Cette table était entourée de soldats et de gendarmes qui faisaient bonne garde. On me fit mettre à la queue, on nous appelait par ordre alphabétique, du nom du condamné ; comme R est la dix-huitième lettre de