Page:Brocher - Souvenirs d’une morte vivante, 1909.pdf/323

Cette page a été validée par deux contributeurs.
299
SOUVENIRS D’UNE MORTE VIVANTE

pas que ma cousine vous accompagne. Le gendarme qui vous remettra ce mot est un bon garçon, il a déjà rendu beaucoup de services à des amis, vous pouvez avoir confiance en lui.

Ma mère s’habilla en hâte, elle sortit avec M. Noël, le gendarme attendait et ils partirent tous les trois pour la gare Montparnasse.

Ils arrivèrent, ma mère vit une grande quantité de prisonniers, elle cherchait du regard mon mari, elle ne pouvait le reconnaître, lorsque tout à coup, le gendarme qui les accompagnait lui désigna où il se trouvait. Ma mère fait quelques pas vers lui, mon mari s’élance pour l’embrasser, il oubliait qu’il était enchaîné et dans son élan, comme il était grand, il entraîna son compagnon de chaîne ; ils faillirent tomber tous les deux ; ma mère fut si émue de ce spectacle qu’elle s’est évanouie. Heureusement qu’elle était accompagnée. Elle ne tarda pas à reprendre ses sens et put rester à la gare jusqu’au moment du départ du train qui emmenait tous ces pauvres malheureux détenus au Mont-Valérien, en attendant qu’ils passassent au conseil de guerre.

Moi de mon côté, j’avais mis une grande activité pour que tous les papiers et certificats fussent en ordre pour être présentés au moment du jugement.

Nous attendions avec une grande anxiété le moment fatal.

Le 10 février, le gendarme qui était déjà venu chercher ma mère, nous apporta de la part de mon mari une lettre ainsi conçue :