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SIXIÈME PARTIE

La semaine se passa bien, le samedi j’ai demandé si je pourrais continuer la semaine suivante : « Assurément, me disent-ils, si vous êtes contente de nous tout ira bien ; quant à nous, nous sommes très contents de vous. » Le patron me donna 25 francs pour ma semaine, me disant qu’à partir de lundi suivant il me payerait 30 francs par semaine. J’étais bien contente, mes misères financières allaient donc cesser. Encore une fois, le travail fut mon sauveur.

Je suis restée dans cette maison jusqu’au jour où je fus forcée de m’exiler, c’est-à-dire 14 mois.

Quelques jours plus tard, je revis mon ami auquel on avait remis mes lettres. Il avait découvert l’adresse de Mme d’Arfeuille, c’était rue de Rennes. Il avait essayé de voir ma mère, mais lorsqu’il s’était présenté chez cette dame, elle avait prétendu ne pas connaître Mme M., cependant, l’embarras qu’il avait remarqué dans les réponses lui avait fait conclure que certainement il y avait anguille sous roche. Le lendemain, un dimanche, je me rendis chez Mme d’Arfeuille, qui elle-même vint m’ouvrir.

À ma vue elle faillit tomber à la renverse, ses mains tremblaient, elle semblait sous le coup d’une hallucination. Enfin elle put s’écrier :

— Vous n’êtes donc pas morte ?

Ma mère qui écoutait sans doute, sortit d’une chambre, se jeta dans mes bras :

— Ma fille, ma fille, ma chère fille, si tu savais comme je t’ai cherchée dans Paris ; que de tas de cadavres j’ai remués pour te retrouver ! Avenue Victoria,