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SIXIÈME PARTIE

fit hommage de la troisième chaise. Tous les six nous nous sommes groupés et nous avons délibéré. « Tout ça est bien, mais comment ferons-nous pour vivre ? Comment mangerons-nous ? » Tous nous avons fouillé dans nos poches et déposé nos capitaux sur la table (entre six, nous avions encore 12 francs 75 centimes pour attendre,… quoi, nous n’en savions rien).

Notre bon vieux nous dit : « N’ayez pas peur mes enfants, dans trois ou quatre jours tout ira bien, je n’ai pas touché ma pension depuis plusieurs mois, alors nous serons chouettes, quand y en a pour deux, y en a pour six ; je serai votre trésorier, vous avez besoin de vous refaire, je vais acheter du bouilli et je ferai une bonne soupe, avec un bon litre de vin, vous serez retapés. Mais motus ! Si on s’aperçoit du nid, gare à la nichée, alors nous serions tous f… ! Je sors, si l’on frappe à la porte que personne ne bouge. »

Les quatre garçons allèrent dans leur pauvre chambrette presque noire, s’allongèrent sur des couvertures pour y dormir.

Moi, roulée dans une couverture et la tête sur un oreiller que le bon vieux m’avait prêté ; je m’endormis si profondément que je me suis réveillée que le lendemain j’étais si fatiguée, abrutie, comme morte.

Lorsque la soupe fut cuite à point, ils ont tout fait pour me réveiller sans y parvenir. N’étant plus soutenue par une pensée, j’avais perdu toute volonté, j’étais inerte comme un chiffon. Cet état de prostration dura plusieurs jours. Lorsque je fus bien reposée, ma volonté est revenue, j’ai réagi. Ne pouvant vivre com-