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SOUVENIRS D’UNE MORTE VIVANTE

» Le bruit circulait que la Cour des Comptes était en flammes, et que vous en étiez l’auteur. Votre mère devint furieuse quand on lui dit cela. Elle traite ces gens de menteurs, de brigands ; les soldats veulent la traîner à la barricade pour la fusiller, elle est si révoltée qu’elle leur crache au visage, « Rendez-moi mes enfants, criait-elle, vous n’êtes que des assassins. »

Ma mère était dans cette maison depuis plus de trois ans, cette scène émut le quartier.

Mme d’Arfeuille, locataire de la maison intervint, demanda qu’on laissât votre mère tranquille, disant d’elle, tout le bien possible, les soldats la lâchèrent. Cette dame, présentant sa carte, son nom impose aux soldats : elle emmena votre mère.

« Voilà tout ce que je sais sur votre mère. Est-elle morte ? Je ne le crois pas ; je ne sais pas où demeure Mme d’Arfeuille. Elle a quitté la maison ; par elle vous auriez pu savoir ce que vous désiriez. Pour le moment soyez prudente, si votre mère est morte vous n’y pouvez rien, si elle ne l’est pas, vous la retrouverez plus tard. Revenez me voir, si j’apprends quelque chose, je vous le dirai.

» Le mercredi 25 mai, vous avez été condamnée à mort par la cour martiale du 7me secteur, comme incendiaire. M. Astier, le propriétaire, arrivant de la province, où il avait vécu pendant tout ces événements, et grâce à votre mère trouva son immeuble en parfait état.

» Pour la récompenser, furieux de tout ce qu’on lui avait raconté, pensant que vous étiez tous morts, il mit en vente aux enchères, jusqu’aux habits de vos