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CINQUIÈME PARTIE

la pièce en batterie, bien résolus à nous défendre, mais lorsqu’ils voulurent charger, nous n’avions que des gargousses qui n’étaient pas de calibre, nous avons dû renoncer à nos projets de défense et nous avons quitté l’endroit pour nous diriger du côté du boulevard de Belleville.

Dans notre parcours nous avons été plus ou moins inquiétés par des coups de feu ; le plus fort de l’action était aux abords des terrains conquis par l’armée versaillaise. Cependant quand nous franchissions le boulevard, une balle vint atteindre un des nôtres qui fut blessé assez grièvement, mais non mortellement. Je n’avais plus rien pour le panser ; lorsque j’aperçus une pharmacie sur le boulevard, j’y entrai avec mon blessé, le pharmacien fit ce qui était nécessaire, puis il nous raconta ce qui se passait dans différents quartiers, il nous dit que nous avions tort d’aller plus loin, que cela était une témérité inutile, que nous serions massacrés sans pitié.

Il offrit de nous réconforter et me pria de changer de costume, il m’engagea à rester chez eux, je leur fis comprendre qu’il serait horrible de ma part d’abandonner mes amis.

— Nous avons lutté ensemble, nous mourrons ensemble si cela doit être, mais je ne veux pas les quitter, lui répondis-je, je n’ai qu’une parole, je leur ai juré que je resterais jusqu’à la fin, je dois y rester.

— Enfin, me dit-il, quittez au moins votre costume, je vous donnerai une robe de ma femme.

— Je ne puis accepter, car je veux continuer jusqu’à