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CINQUIÈME PARTIE

cessé de vivre. Lorsqu’on le releva pour le mettre sur une civière, j’étais inondée de son sang. Il avait eu les intestins perforés par la mitraille, le sang sortait de ses entrailles d’un jet continu. Il n’eut pas une seconde de défaillance. Nous avions pensé que nous assisterions à son enterrement ; mais dans les révolutions il n’y a pas de lendemain, c’est toujours l’inconnu.

Le lendemain de cette triste journée, presque tous les blessés furent massacrés dans cette ambulance. Ce héros inconnu avait eu le bonheur de mourir dans son rêve, il n’eut pas la douleur de voir des soldats ivres de carnage, massacrer sans merci leurs frères impuissants à se défendre.

Je suis retournée à nos amis. Pendant mon absence ils avaient eu à repousser des attaques, ils avaient reçu des balles en assez grand nombre, cependant peu après mon retour un calme relatif se produisit, tout semblait se reposer, mais à 11 heures du soir le bombardement recommença. C’était terrible, tous les habitants criaient, pleuraient ; la maison tremblait sur sa base, puis le calme se produisit de nouveau, toute la nuit se passa ainsi.

Quand vint le jour, quel affreux spectacle ! Les maisons étaient endommagées du côté de la rue St-Antoine. Toutes les vitres étaient brisées au chemin de fer de Vincennes. On nous envoyait de la Seine des fulminates qui incendiaient.

Tout à coup un bruit formidable se fit entendre ; c’était un immeuble qui s’écroulait au coin du boulevard Richard-Lenoir. Au même instant le kiosque de