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CINQUIÈME PARTIE

demi-réveillée, j’entendis un bruit, je croyais poursuivre mon rêve ; le bruit se rapprochait de plus en plus, des chaines semblaient traîner sur les pavés de la rue, je me réveille en sursaut, j’ouvre la fenêtre, j’écoute attentivement si le signal convenu se fait entendre, le jour paraissait à peine. Ce que je voyais était bien triste, tous les fédérés battaient en retraite ; les bruits de chaînes mêlés à mon rêve étaient bien la réalité, nos pauvres fédérés faisaient pitié, ils avaient l’air si malheureux, les yeux baissés, tenant les chevaux, par la bride, traînant derrière eux tout leur attirail de guerre, ce qu’ils avaient pu sauver, ne disant mot, le défilé dura assez longtemps, ils avaient perdu leurs dernières illusions !

Paris avait été envahi sur plusieurs points à la fois.

Ces fédérés venaient d’être attaqués à un bastion de Vaugirard, qu’ils avaient dû abandonner.

Ils se dirigeaient du côté de l’Hôtel de Ville. Ils savaient bien qu’ils n’avaient rien à attendre de bon désormais ; à partir de cet instant, ils désiraient combattre et mourir pour fonder la République.

Le cœur serré, je quittai ma mère ; je n’avais plus qu’elle au monde, mais je m’étais engagée, je devais remplir mon devoir. Qui sait, peut-être, ne nous reverrons-nous jamais.

— Adieu, chère maman, ayez du courage, lui dis-je.

Pauvre mère, elle en avait eu si souvent besoin dans sa vie. Je ne doutais pas d’elle, mais elle voulait me suivre dans la lutte suprême.

Je voulais absolument pénétrer à Passy, j’espérais