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CINQUIÈME PARTIE

Nous avons eu 72 hommes hors de combat, ils étaient tous morts.

Enfin nous quittâmes l’ambulance, le cœur navré. Ma mère revint avec nous, elle s’était beaucoup ennuyée cette nuit-là. Des obus avaient aussi atteint l’asile.

Dans le milieu du jour mon mari vint nous voir à Issy, où il est resté quelques heures.

Le 2 et le 3 mai l’occupation ne m’a pas manqué. Je soignais les blessés isolés, de pauvres gardes nationaux atteints dans la fuite, abandonnés au bord d’un talus ou d’un fossé. Dans ces conditions, j’ai trouvé un pauvre garde national qui avait eu la force de se traîner depuis le parc jusqu’à un chemin isolé, pas très éloigné des fortifications, retenant avec ses mains sa mâchoire qui avait été brisée par un éclat d’obus et qui tombait sur le haut de sa poitrine. Il était affreux de voir cet homme dans un tel état, ne pouvant parler, tandis que d’une main il tenait son menton, il eut le courage d’écrire de l’autre main son adresse, pour qu’on le conduisît chez lui.

Je n’avais rien pour le bander, je parvins à déchirer en morceaux mon mouchoir avec lequel je fis une bande, je lui ai relevé la partie inférieure de la mâchoire, je la lui ai bandée fortement et je l’ai couché sur le bord du chemin.

Au village où je suis retournée, je retrouvai mon mari qui n’était pas encore parti, il attela Mot d’ordre (notre cheval) et nous retournâmes chercher notre blessé. Mon mari voulut bien le conduire à sa famille ;