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CINQUIÈME PARTIE

nous fit faire halte pour nous reconnaître, nous restâmes environ 40 minutes, il y eut un moment de désordre, beaucoup se souvenaient de leurs souffrances, de leur manque de nourriture pendant la campagne contre les Prussiens, ils ne voulaient pas franchir les remparts sans avoir les armes nécessaires pour combattre.

Le commandant Martin les encouragea en leur promettant que dès leur arrivée à Issy ils auraient ce qu’il leur faudrait[1].

Le colonel Naze avait été obligé de rester à Paris pour parfaire l’organisation et faire expédier tout ce qui nous manquait.

Le calme rétabli, on abaissa le pont levis ; le défilé passa triste et silencieux, la nuit était sombre, on ne pouvait rien distinguer autour de soi, on entendait au loin le bruit du canon résonnant à nos oreilles, on sentait que la lutte serait terrible.

Quand j’entendis le bruissement des chaînes du pont levis, lorsqu’il s’abaissa, un serrement de cœur oppressa ma poitrine ; il me semblait que nous entrions dans un immense tombeau. Lorsque nous fûmes séparés de la grande cité, on entendait de ça et de là le bruit sourd de quelques coups de fusils.

Je pressentais que beaucoup d’entre nous ne franchiraient plus ce pont, dont l’écho sinistre retentissait en mon cœur comme un glas funèbre ; à peine si nous

  1. Le commandant Martin était un homme actif, plein de courage et d’énergie. Il était très aimé.