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SOUVENIRS D’UNE MORTE VIVANTE

Ceux qui n’avaient rien à coudre s’impatientaient, ils disaient : Partons ; on pourra coudre ces insignes un autre jour, ce n’est pas indispensable pour se battre.

Enfin, à minuit ils étaient tous prêts, on fit l’appel et ils se mirent en rangs ; mais il nous manquait encore beaucoup de choses au moment du départ, quelques membres de la Commune vinrent nous remettre notre drapeau, sur lequel était inscrit en lettres dorées : « Défenseurs de la République » Ils nous firent un petit discours de circonstance et nous partîmes. Le colonel et le commandant me prièrent de les accompagner, tout le bataillon témoigna le même désir.

Mon mari, gravement blessé par une immense marmite pleine d’eau bouillante qui lui était tombée sur les pieds, ce qui l’avait obligé de garder le lit assez longtemps, s’était levé, mais il ne pouvait encore supporter la marche, il resta à la caserne avec ses employés, il me conseilla d’accompagner le bataillon. Je partis donc avec eux ; de la caserne on nous dirigea au Champ de Mars, dans les baraquements où nous allions être organisés par section. Dans la matinée nous devions recevoir ce qui nous manquait, ensuite partir pour un point stratégique qu’on nous indiquerait.

Le temps nous paraissait long, à midi nous nous mîmes à manger et à nous compter. À deux heures nous n’avions encore rien vu, ni rien reçu, chaque instant d’attente nous paraissait un siècle. Enfin sur les deux heures et demie je vis apparaître notre nègre, qui conduisait Mot d’ordre, notre cheval par la bride, lequel m’apportait à moi particulièrement différentes