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CINQUIÈME PARTIE

volonté pour aller en reconnaissance ; une quinzaine d’entre eux voulurent l’accompagner. Ils explorèrent les environs immédiats, mais ne firent aucune découverte. Les autres, à leur tour, veillaient les endormis.

De nouveau une canonnade bien nourrie éclata soudain et vint nous assaillir.

Dans mon sommeil je ressentis une violente secousse semblable à un tremblement de terre. Tous mes amis me crièrent : « Ne vous relevez pas ou vous êtes morte. » Sans me rendre compte de ce qu’on me disait, à demi endormie, je me soulève légèrement, instantanément je suis recouverte de terre, je ressens une forte vibration partout le corps, mes amis me croyant tuée, arrivent en hâte pour me relever ; je n’étais qu’évanouie. Un trou immense était creusé à mes pieds ; l’obus était entré en terre à quelques mètres ; ce qui me préserva de la mort, l’obus avait éclaté trop près de moi, les éclats se sont projetés de tous côtés, et comme par miracle, personne ne fut atteint, je fus épargnée. Quand je fus revenue à moi, mes compagnons m’entourèrent, inquiets ; je les rassurai ; là, je vis toute l’affection de frères qu’ils avaient pour moi ; cela me rendait heureuse. Ces chers amis avaient tous, sans exception, le plus profond respect, je les en aimai davantage.

Le repos fini, nous nous occupâmes de nos blessés. Après, nous prîmes une légère collation. Nous mîmes notre couvert sur un tapis vert aux places où l’herbe commençait à pousser. Notre service de table se composait : d’une gamelle, d’une cuillère et d’une fourchette