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SOUVENIRS D’UNE MORTE VIVANTE

direction de l’armée de la Loire. Le jour de leur départ ils reçurent leur solde. Mais ce fut tout. Une fois séparés de Paris ils ne reçurent plus rien, et leur chef avait disparu, après trois ou quatre jours ces braves défenseurs n’avaient plus d’argent et pas de vivres. Que fallait-il faire ? C’était épouvantable, souvent ils sont restés sans manger ; s’ils demandaient quelque nourriture aux paysans, ces derniers les exploitaient d’une manière atroce, ces campagnards étaient lâches, ils vendaient à prix d’or la moindre chose aux francs-tireurs, et par terreur ils donnaient tout ce qu’ils avaient aux Prussiens. Un paysan a demandé à un franc-tireur de ma connaissance, qui avait abandonné sa famille pour défendre son pays, la somme de 1 fr. pour un verre d’eau.

Ils ont eu froid et faim, leur misère était grande ; lorsqu’ils se trouvèrent sur les bords de la Loire, heureusement ils se rallièrent aux volontaires de Garibaldi. Toute personne ayant lu l’histoire connaît avec quelle endurance et quel courage les francs-tireurs luttèrent, sans trêve, à Chateaudun, Coulmiers, Patay, Artenay et à Orléans pendant la guerre de 1870 ; fatalement ils ont été forcés de prendre pour vivre ce qu’on leur refusait, même avec de l’argent à la main. (Il faut manger.)

S’étant trouvés une trentaine, ils ont formé un comité ; ils résolurent d’aller chez M. Aronsohn tous ensemble pour lui demander des comptes ; un d’entre-eux fut délégué pour prendre la parole au nom de tous, ils choisirent un avocat. Mon mari me demanda si je