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QUATRIÈME PARTIE

occupé de moi, pour le moment du moins, et moi je ne me suis plus inquiétée d’eux.

Je suis allée seule à la manifestation de la Bastille, il y avait une foule immense, très excitée, on ne voulait plus entendre parler des hommes inconscients ou criminels du 4 septembre ; tous étaient convaincus qu’avec un peu d’efforts et de bonne volonté on pourrait encore sauver la France en proclamant la Commune. Moi aussi je croyais à ce rêve ! (Il était trop tard.)

Cette manifestation était imposante et grandiose, au sommet de la colonne on avait hissé dans la main du génie de la liberté un drapeau rouge ; tout autour de la colonne, en spirale, on avait fait un mélange de drapeaux tricolores, munis de nœuds de crêpe noir entre-mêlés d’immenses couronnes d’immortelles, apportées aux victimes de la tyrannie.

Hélas ! nous étions condamnés à l’impuissance, le lendemain ressemblait à la veille.

À quelques jours de là, mon mari fit la rencontre d’un certain nombre de francs-tireurs qui avaient été avec lui dans l’armée de la Loire ; ils étaient tous furieux de la conduite du colonel Aronsohn. Voici ce qui était arrivé : Ce monsieur avait reçu une somme assez importante du gouvernement pour former des compagnies de francs-tireurs, ils furent équipés et chacun d’eux devaient toucher 3 francs par jour pour leurs besoins journaliers ; les Corps-Francs étant des volontaires, ne touchaient pas de vivres comme l’armée régulière ; tout était convenu, réglé, engagement signé ; ils partirent donc rejoindre d’autres colonnes dans la