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SOUVENIRS D’UNE MORTE VIVANTE

était occupé militairement par l’armée prussienne. Il me dit aussi dans quelles circonstances les religieux avaient reçu mon mari, mais si jamais on savait qu’ils avaient aidé à sauver la vie à un franc-tireur, les Prussiens mettraient le feu au monastère.

Après ces explications, le moine s’en alla et fit venir mon mari au parloir. Inutile de dire combien celui-ci était heureux et content ; sa première question fut :

— Comment va le petit, il n’est pas mort, n’est-ce-pas ?

— Non lui répondis-je, il se porte bien.

Alors il m’embrassa avec effusion, et me remercia de lui annoncer cette heureuse nouvelle.

— J’avais si peur qu’il ne fût mort ! ici, on dit que tous les enfants meurent à Paris.

— Oui, c’est vrai, lui répondis-je, beaucoup de pauvres petits sont morts en effet, mais nous avons eu le bonheur que notre cher petit soit épargné, je l’ai soigné de mon mieux.

— Si tu savais, combien souvent j’ai pensé à vous trois, me dit-il. Où coucheras-tu ce soir ?

— Je ne sais, chez nos parents, peut-être, je ne peux coucher chez madame ; eux-mêmes couchent sur le billard, tous les habitants ont des soldats chez eux.

— Ne va pas chez nos parents, ce serait inutile ; c’est très embarrassant. Attends ! je vais te présenter au supérieur, peut-être nous donnera-t-il une idée, un conseil.

Mon permis était de six jours, et comme j’avais perdu un temps effroyable en route, il ne me restait plus que quatre jours, après quoi il nous faudrait partir.