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SOUVENIRS D’UNE MORTE VIVANTE

Lorsque j’eus connaissance de la reprise d’Orléans j’étais très tourmentée. Jusqu’alors nous avions de l’espérance, je voyais les choses moins sombres, mais, chaque jour nous apprenions de nouveaux désastres, de nouvelles défaites, toujours occasionnés par l’imprévoyance et l’impéritie du gouvernement et aussi des chefs de l’armée. C’était vraiment décourageant.

La misère et la mort augmentaient de jour en jour, tous les malheurs étaient accumulés sur la France ; dans les rues de Paris c’était affreux, on ne rencontrait que des gens à la figure pâle et fatiguée, si triste ; on ne pouvait faire un pas sans trouver sur son chemin un ou plusieurs convois funèbres ; on s’habituait tellement à voir la mort défiler devant soi, que cela semblait faire partie de la rue.

Comme je l’ai déjà dit, j’étais une privilégiée relativement, car malgré nos privations, il y en avait des milliers qui étaient plus malheureux que nous.

10 décembre, nouveaux placards, nouvelles incertitudes, nouveaux mensonges.

12 décembre, nous sommes aux bastions ; il a gelé toute la nuit, les remparts sont couverts de neige, le matin je remarque de la glace cristallisée sur les feuilles qui pendent des branches des arbres, en secouant légèrement ces tiges, de petites feuilles de cristal se détachent et tombent sur le sol sans se briser, elles ont gardé l’empreinte de la feuille sur laquelle elles s’étaient moulées, lorsqu’on y touche, elles se pulvérisent comme du verre.

Le 16 décembre, prise de Rouen. Le 20 décembre,