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QUATRIÈME PARTIE

naux, ils applaudissaient, puis jetaient leur obole pour les blessés. On quêtait aussi dans les théâtres, après la fin des représentations.

On fit des souscriptions depuis 10 centimes pour faire des canons ; je me souviens d’avoir donné deux francs. Tout le monde y collaborait, les plus pauvres comme les plus riches, chaque mairie avait une liste à la disposition du public.

Nous lisons dans un journal :

À la mairie de Paris Étienne Arago vit un homme versant entre les mains du maire le prix de la fabrication d’un canon :

— Comment vous appelez-vous, lui demanda le maire.

Il répondit :

— Je suis riche, pour moi ce n’est rien. Qu’importe mon nom ! Mettez simplement : un Français.

Dans ces moments terribles je sentais dans ma poitrine la grande âme de ma patrie. J’étais heureuse, non pas des malheurs qui pesaient sur la France, mais je croyais à l’harmonie d’un sentiment national, humanitaire ; je pensais que les questions et les divergences d’opinion s’effaceraient devant le danger éminent.

Ce peuple parisien est hâbleur, tapageur, étourdi, mais il ne manque pas de cœur, ni de courage, il n’est pas lâche !

La guerre rapprochera les classes, me disais-je. Tous ces hommes, après tout ne sont pas mauvais, ils ne le deviennent que faute de se comprendre. (La question économique disparaissait dans ces moments-là.)