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SOUVENIRS D’UNE MORTE VIVANTE

en étalâmes sur une crêpe et nous la roulâmes, mon bébé en goûta, il fit une vilaine grimace et ne voulut pas continuer de manger ; l’autre petit y goûta et le trouva bon, je l’ai goûté à mon tour, le goût en était horrible. Je voulus jeter la boîte, le petit garçon s’est mis en colère, et il a beaucoup pleuré. Ce pâté était fait de chair de souris, on avait pas même retiré la peau, ce qui donnait un goût infect.

L’eau aussi nous a manqué pendant une dizaine de jours, on avait interdit de laver le linge à la Seine. En général les eaux de Paris ne sont pas bonnes, tout particulièrement les eaux de la Seine.

Le 10 novembre, on commença à abattre les arbres du Bois de Boulogne. Dans les mêmes jours on abattit l’éléphant du jardin d’acclimatation. La chair fut distribuée pour le service des ambulances et pour les bourgeois, probablement.

Le 21 octobre la France espérait encore son salut. Paris n’en doutait pas, il acceptait les privations, déjà assez dures, sans se plaindre ; s’il n’avait pas de pain, il trompait sa faim par des plaisirs bien innocents et peu coûteux.

Lire les journaux était devenu une nécessité pour tous ; les théâtres étaient autorisés, on jouait des pièces de circonstance. La poésie patriotique, les conférences, les chants nationaux prenaient le premier rang. Paris, quoique sans travail était très occupé, très affairé. L’âme parisienne est exclusivement poétique, les gavroches et tous les Parisiens, à quelque classe qu’ils appartiennent, écoutaient des vers, des hymnes natio-