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TROISIÈME PARTIE

dans l’attente du résultat des élections ; rue du Croissant, les porteurs de journaux étaient assaillis, ils ne pouvaient circuler. Je me rapelle qu’un Monsieur, plus habile que les autres, était parvenu à obtenir un journal, la foule l’obligea de monter sur un banc, et de lire à haute voix le résultat des élections. Ces élections devinrent le signal des émeutes du boulevard, parodie des journées révolutionnaires, les blouses blanches défilaient à heures fixes, des sergents de ville le casse-tête en main assommant les passants paisibles. Le seul émeutier était Piétri, préfet de police, de sinistre mémoire.

En novembre, MM. Crémieux, Glais-Bizoin, Rochefort étaient nommés par les électeurs de Paris. L’empereur était furieux : « Que ce soit Pierre ou Paul, disait-il, ce sera toujours mauvais ». M. Thiers dans ces jours-là, disait à l’empereur. « Vous n’avez plus de fautes à commettre ! »

Hélas ! il devait en commettre de plus terribles.

Rochefort, dans sa Lanterne frappait avec force l’édifice impérial ; il attaquait la cour avec acharnement, il était acerbe et cruel envers l’impératrice. La puissance du gouvernement s’affaiblissait de plus en plus ; on sentait, de tout côté, se rompre les liens de la tyrannie ; chaque condamnation pour délit de presse ou de parole, ouvrait le gouffre, où devait s’engloutir l’empire. Chaque jour les mécontents manifestaient dans la rue, et osaient parler haut.

L’affaire Tropmann avait excité à un tel point la population parisienne, que beaucoup prétendaient que