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SOUVENIRS D’UNE MORTE VIVANTE

Chalemel-Lacour, rédacteur en chef de la Revue Politique, Delescluse, directeur-gérant de la Tribune, Quentin, rédacteur du Réveil furent arrêtés. Ainsi que Gaillard, père et fils, ce dernier fit des vers de circonstance qu’il déclama sur la tombe de Baudin.

Je pus, après bien des efforts gagner la place St-Georges et je suis revenue assez tard à la maison. Ce jour-là on craignait une émeute dans Paris. Dans la soirée, la foule se dispersa, et tout se calma.

Le 14 novembre comparurent toutes les personnes qui avaient été maintenues en état d’arrestation, elles furent accusées de manœuvres à l’intérieur, contre la sûreté de l’état, parce qu’elles avaient rappelé à la France de l’empire que, dans un cimetière de Paris, reposait un représentant du peuple, mort pour la République. Tous les honnêtes gens de tous les partis protestèrent au nom de Baudin.

Pour la première fois, Gambetta se fit connaître. C’était alors un jeune avocat, il prit en main la défense de Delescluse, il s’est révélé un défenseur ardent de la démocratie, il jeta un défi au ministère public et à l’empire : « L’histoire vous jugera » dit-il ; ce mot le rendit célèbre. Il était magnifique dans son éloquence, il sut pénétrer la foule. En dépit des mois de prison et des amendes qui tombaient comme de la grêle, sur les accusés, on sentait que l’empire seul était condamné. Désormais, avait-il dit, nous aurons une fête civique à célébrer au nom des martyrs. C’est le 2 décembre.