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PHILOSOPHIE ANCIENNE

tous les êtres : « τί ἕϰαστον ἔιη τῶν ὄντων » (Memor. ; IV{4, vi, 1). Aristote dit aussi qu’il voulait « ὁρίσασθαι τὴν οὐσιάν » (De part. an., I, 1), et ailleurs : « δύο ἐστιν ἅ τις ἂν ἀποδοίη Σωϰράτει διϰαίως, τούς τ’ ἐπαϰτιϰοὺς λόγους ϰαὶ τὸ ὁρίζεσθαι ϰαθόλου ». Cela posé, il est naturel de se demander à quelle définition Socrate a été conduit, c’est-à-dire comment il a atteint le but qu’il se proposait. Or si nous cherchons d’abord, comme il est naturel, dans les témoignages de Xénophon des renseignements relatifs à cette question, nous ne trouvons rien ou presque rien. Nous apprenons par exemple que Socrate a défini la justice : l’observation des lois établies (τὰ νόμιμα), ou que la piété consistait d’après lui à rendre aux dieux les honneurs qui leur sont dus. On conviendra que ces définitions ne présentent pas un caractère très scientifique et qu’elles ne sauraient être considérées comme appartenant en propre à Socrate. Si de Xénophon nous passons à Platon, et si nous essayons de découvrir dans l’œuvre de ce philosophe des définitions dont on puisse dire qu’elles appartiennent sûrement à Socrate, nous n’en trouvons aucune. Dans les grands dialogues tels que la République et le Philèbe, c’est évidemment sa propre pensée que Platon exprime et non celle de son maître. Pour reconnaître celle-ci, il faudrait plutôt la rechercher dans les petits dialogues souvent appelés socratiques, qui datent vraisemblablement de la jeunesse de Platon et qui présentent ce caractère distinctif qu’il n’y est encore fait aucune mention de la théorie des Idées. Or, si nous lisons attentivement ces dialogues, nous y voyons que le philosophe expose et discute avec beaucoup de pénétration et parfois de subtilité plusieurs définitions, mais n’en propose aucune pour conclure. Ainsi, dans le Lâchès, plusieurs définitions du courage sont examinées et rejetées ; il en est de même dans le premier Hippias pour les définitions du Beau. Tous ces dialogues sont purement critiques. Le Protagoras laisse aussi en suspens des problèmes qu’il a proposés. Même dans le Théétète, où Platon cependant dépasse visiblement la pensée de son maître, la conclusion est encore négative.

Aristote ne nous offre pas non plus d’exemples de définitions proprement dites formulées par Socrate. Il nous dit bien que le maître de Platon cherchait à donner des définitions