Page:Brochard - Études de philosophie ancienne et de philosophie moderne.djvu/590

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
556
NOTICE SUR LA VIE ET LES ŒUVRES

quefois refusées ou, ce qui était plus grave, reçues « à correction ». Les amours-propres s’irritaient, mais l’on finissait par s’entendre. Le décret de la Convention qui supprimait toutes les Académies mit fin à toutes ces élégances.

Après la reconstitution de l’Institut, des sociétés se formèrent encore en province sous des noms nouveaux, mais au lieu de se consacrer au bel esprit et au culte des Muses, elles se tournaient plutôt vers les sciences, l’histoire et l’archéologie. Il était naturel qu’on cherchât à établir entre elles des liens. C’est ce que tenta d’abord M. de Caumont ; puis la politique intervint, et des ministres tels que MM. Guizot et de Salvandy comprirent le parti qu’ils pouvaient tirer, pour leur politique, des nouvelles institutions. Mais c’est surtout sous l’Empire que MM. Fortoul et Rouland voulurent en faire un moyen d’influence et d’action. Ce dernier, en dehors de l’Institut et même dans un esprit d’hostilité contre lui, réorganisa le Comité des Travaux historiques fondé par M. Guizot, et voulut en faire une sorte de petit Institut dépendant et tout à fait ministériel, pour l’opposer au véritable Institut, qui, à son gré, n’était pas assez docile. En même temps, il fondait les réunions annuelles de la Sorbonne pour décerner des prix, comme l’Institut le fait lui même, aux travaux littéraires et scientifiques. C’est l’organisation qui existe encore aujourd’hui. M. Bouillier avait de tout autres idées. Il pensait que c’est à l’Institut qu’il appartient, en dehors de toute pensée politique et de toute tutelle administrative, de coordonner et de diriger les travaux des sociétés savantes. C’est l’idée, qu’avant même d’appartenir à l’Institut, il avait exposée devant l’Académie de Lyon. Il l’avait développée dans une brochure publiée en 1857, l’Institut et les Académies de province, qui eut quelque retentissement. Ainsi qu’il était aisé de le prévoir, le Ministre en fut fort mécontent, et il adressa à M. Bouillier une lettre de blâme officielle pour avoir traité sans autorisation un sujet aussi grave et empiété sur les attributions de son chef. Mais M. Bouillier n’était pas homme à se laisser intimider. Très conservateur en politique, dès qu’il s’agissait de choses académiques il avait l’âme républicaine. Il riposta vertement et osa remontrer au tout-puissant Ministre qu’il s’attribuait sur les Académies une autorité qu’il n’avait pas. Elles ne sont pas comme des lycées, des collèges ou des écoles, mais plutôt de petites républiques qui s’administrent elles-mêmes, qui subsistent par leurs propres ressources et qui, une fois instituées par décret du Chef de l’État, ne dépendent plus de personne, pas même du ministre de l’Instruction publique, à moins qu’elles