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commun lui-même que nous faisons appel, ou nous n’hésitons pas à faire à la volonté une large part dans nos croyances. Nous n’avons pas conscience de faire acte de volonté quand nous nous trompons ; se tromper volontairement est une contradiction dans les termes. Cependant il y a des erreurs qu’on punit : le pharmacien qui donne un poison pour un remède, l’aiguilleur qui dirige un train de chemin de fer sur une fausse voie, ne font pas exprès de se tromper. Y aurait-il cependant quelque justice à les punir, si leur volonté n’était pour rien dans leur erreur ?

Il faut distinguer deux choses dans cette action de croire qui paraît simple, et qui ne l’est pas. L’assentiment dans l’acte de croire n’est pas, dans la vie ordinaire, regardé comme l’élément essentiel. En effet, nous ne croyons pas pour croire, mais pour atteindre le réel, la chose, qui, en fin de compte, nous intéresse le plus, et peut-être nous intéresse seule. Il en résulte que cet acte, subordonné à une fin qui lui est extérieure, s’efface en quelque sorte aux yeux de la conscience ; il est sacrifié ; nous ne faisons attention qu’au résultat ; nous oublions le moyen employé pour l’atteindre. C’est une sorte d’illusion d’optique, analogue à celle que nous commettons quand nous localisons nos sensations à l’endroit où agissent les causes qui les provoquent, et non dans nos organes, ou dans le cerveau où elles se produisent réellement.

Pour distinguer cet élément volontaire, sans lequel pourtant la croyance n’existerait pas, il faut une étude attentive et, une analyse minutieuse ; si on y prend garde pourtant, on finit par l’apercevoir. Le langage lui-même en convient quelquefois : témoin des expressions comme, accorder son assentiment, se rendre à l’évidence, et bien d’autres.

Mais à partir du moment où nous avons pris conscience de cette intervention de la volonté, la croyance n’est-elle pas par là même amoindrie ? Croit-on encore, dans le sens vrai du mot, au moment où on sait qu’on n’est pas forcé de croire ? Nous avouerons volontiers qu’en perdant son apparence de nécessité, la croyance change de caractère ; mais nous n’estimons pas qu’elle y perde beaucoup. Quel inconvénient y aurait-il, si tous les hommes étant bien convaincus qu’il y a quelque chose de subjectif en toute croyance, même la plus certaine,