Page:Brochard - Études de philosophie ancienne et de philosophie moderne.djvu/52

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

qu’en soit d’ailleurs la nature. Aucune difficulté n’est possible sur ce point.

« Il nous apparaît, continue M. Milhaud, comme beaucoup plus clair et beaucoup plus probable, après la lecture du chapitre consacré par M. Tannery à Zenon, que la pluralité combattue est la pluralité réalisée, en acte, celle qui s’accorde avec L’idée pythagoricienne, celle qui seule permet de dire que la chose multiple a un nombre, ou est un nombre. Ainsi compris, tous les arguments de Zénon présentent une unité de vue parfaite. » — Pas si parfaite que cela cependant. Il s’agit ici de la théorie selon laquelle, d’après Pythagore, les corps seraient composés de points ou unités indivisibles. Or, selon M. Milhaud, qui se sépare en cela de M. Tannery, les deux derniers arguments de Zénon, la flèche et le stade, seraient seuls dirigés contre l’hypothèse des indivisibles. Les deux premiers ne s’attaqueraient pas, directement du moins, à cette conception. « Jusqu’ici il est question, dans la dialectique de Zénon, de parties d’espace et de temps, diminuant sans doute, et indéfiniment, mais aussi indéfiniment divisibles. » M. Tannery, plus conséquent avec lui-même, et plus rigoureux, avait admis que les distances, par exemple celle qui sépare Achille de la tortue, sont représentées par un nombre infini de points. À cette condition seulement, il y aurait dans les thèses de Zénon une unité de vue parfaite.

Il est vrai qu’il resterait à prouver que telle était bien la pensée de Zénon. Or les textes ne disent rien de semblable. Dans le passage d’Arisfole où ces arguments sont rapportés, il n’est question que de distances, d’intervalles, de grandeurs sans autre détermination. Or, si l’on songe que les arguments contre la pluralité (Simplie., Phys., 30, A) reposent, sur la divisibilité à l’infini de la matière (επ απειρον τομη), il restera beaucoup plus vraisemblable que les deux premiers arguments contre le mouvement, la Dichotomie et l’Achille. sont dirigés aussi contre l’hypothèse de la divisibilité à l’infini, el que, par suite, ils forment avec les deux derniers les deux branches d’un dilemme, ainsi que M. Renouvier le premier l’a reconnu. Au surplus cette interprétation, ingénieuse d’ailleurs, qui considère les arguments de Zénon comme dirigés uniquement