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Il n’y a nul rapport entre ce jugement : j’affirme que la terre est ronde, et cet autre : je veux mouvoir mon bras. Sans doute, au moment où je veux, j’affirme mon vouloir ; mais mon affirmation n’est pas le vouloir lui-même ; de même que lorsque je dis : je souffre, j’affirme ma souffrance, mais ma souffrance n’est pas en elle-même une affirmation. Lorsque je dis : je veux mouvoir mon bras, où est la volition ? Est-ce dans l’affirmation que mon bras est mû ? mais ce n’est là que l’effet de mon vouloir, ce n’est pas le vouloir lui-même ; à plus forte raison, il n’est pas dans cet autre jugement : mon bras a été mû. Dira-t-on que le jugement volitif consiste à dire : mon bras sera mû ? Mais ce n’est là qu’une prévision, une induction ; ce n’est pas une, volition. En un mot, tout jugement porte sur le présent, le passé ou l’avenir ; or, aucun de ces jugements ne représente le fait de la volition. Dira-t-on qu’ici le jugement porte sur le pouvoir, non sur le fait ? Mais dire : je peux mouvoir mon bras, ce n’est pas dire : je veux le mouvoir. De quelque manière qu’on s’y prenne, jamais on ne fera que l’affirmation représente une volition, à moins de changer le sens du mot affirmation, et qu’on ne lui fasse dire précisément ce que signifie le mot volition ; mais alors il n’y aura plus de terme pour signifier ce que nous appelons d’ordinaire affirmation. D’ailleurs, affirmer un fait sera toujours autre chose que vouloir un acte. Affirmer un fait, c’est dire qu’un fait existe : vouloir un acte, c’est faire qu’il soit, c’est la différence de l’indicatif et du subjonctif. Le fiat lux n’est pas une affirmation, c’est une action. Dans l’affirmation (quand elle est vraie), il n’y a rien de plus que ce qu’il y a dans l’idée. Dans la volition, il y a quelque chose de plus : l’existence elle-même, le passage du non-être à l’être, le changement.

« On pourrait dire que la volonté n’est qu’un acte intellectuel : car vouloir, c’est choisir, c’est préférer, c’est trouver une chose meilleure qu’une autre, c’est juger. C’est encore une confusion d’idées. Autre chose est le choix, la préférence de l’intelligence ; autre chose est le choix, la préférence de la volonté. Je préfère Corneille à Racine, c’est-à-dire je le juge plus grand que Racine ; mais je ne veux pas que cela soit : cela est indépendant de ma volonté : je n’y peux rien. Lorsque