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même à celles de nos idées qui semblent s’imposer à nous avec le plus de nécessité : elle est d’ordre essentiellement pratique et subjectif : il faut toujours y mettre un peu de bonne volonté.

II

C’est la nature même de l’acte de croyance qu’il nous reste à présent à déterminer : ici encore nous rencontrons de grandes difficultés.

Généralement, la croyance est regardée comme un acte intellectuel : elle fait en quelque sorte partie intégrante de l’idée. Pourtant il semble bien que croire ou juger soit autre chose que penser. « Qu’est-ce que juger, dit excellemment M. Gayte (p. 104), si ce n’est arrêter la pensée, suspendre l’attention ? Réfléchir, c’est passer par une succession de jugements qui tous, au moment où ils sont présents à la conscience, sont l’objet de notre croyance. Plus la réflexion est intense, plus la série est longue. Qui nous oblige donc à ne plus réfléchir ? l’intelligence ne s’arrête pas d’elle-même. Une fois qu’elle a reçu l’impulsion, elle poursuit sa route ; elle roule toujours infatigable, son rocher, sans jamais le fixer au sommet ; elle fait dérouler, devant les yeux de ceux qui marchent à sa suite, les possibles en nombre indéfini, mais elle ne mesure pas la réalité. La volonté lui impose un arrêt, en lui fixant un but. J’ai pris, par exemple, la résolution de réfléchir sur le problème de la liberté. Mais ce problème ne me laisse pas indifférent. Je désire ou ne désire pas être libre. Suivant l’un ou l’autre de ces désirs, je porte mon attention de préférence sur l’une des deux alternatives possibles : la liberté ou le déterminisme, c’est-à-dire je cherche, je veux des arguments en faveur de l’une ou de l’autre ; car je ne les chercherais pas si je ne les voulais pas. C’est donc un but que la volonté s’impose à elle-même ; et lorsqu’elle l’a atteint, c’est-à-dire lorsque elle s’est donné à elle-même des motifs d’affirmer la théorie qui est le but de ses efforts, elle se repose dans la certitude, elle croit. C’est donc à cause du but atteint que dans certains cas la réflexion s’arrête. Autrement elle ne trouverait pas de