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que j’ai été pris à partie moi-même dans l’article, d’ailleurs si intéressant, de M. Milhaud sur le Concept du nombre chez les pythagoriciens. Je voudrais rétablir ma pensée, qui n’a pas été bien comprise par l’auteur de l’article, et en même temps signaler quelques difficultés, insurmontables à mes yeux, qui s’opposent à l’interprétation qu’il défend.

« D’abord, selon M. Milhaud, M. Brochard a bien voulu supprimer la distinction classique des arguments contre la pluralité et des arguments contre le mouvement. C’est à ses yeux parce que Zénon nie la pluralité qu’il nie le mouvement. Mais son interprétation laisse toujours supposer que la négation du mouvement est le but d’une partie de sa dialectique au lieu d’être un moyen. » Il est bien vrai que, selon moi, Zénon nie le mouvement parce qu’il nie la pluralité, et j’ajoute qu’il nie la pluralité parce qu’il nie le non-être. Mais en établissant un lien logique entre ces différentes thèses, je n’ai jamais voulu les confondre ou les absorber en une seule. C’est bien le mouvement en lui-même que nie Zénon , le mouvement sous toutes ses formes, le mouvement des phénomènes élémentaires aussi bien que le mouvement de l’Univers pris dans son ensemble. C’est l’interprétation classique de la théorie éléatique, et je m’y tiens. L’interprétation proposée par M. Tannery et reprise par M. Milhaud, selon laquelle l’immobilité de l’être, affirmée par Parménide, serait affirmée de l’Univers pris dans son ensemble, du monde, qui, selon l’expression de l’Éléate, a la forme d’une masse sphérique, arrondie de tous côtés, me paraît tout à fait inadmissible. Elle est contraire à l’opinion de toute l’antiquité : ce n’est pas la négation de la révolution diurne que Diogène le Cynique prétendait réfuter en marchant. Mais surtout elle est contredite par les textes de Platon dont il ne me semble pas que M. Tannery et M. Milhaud aient tenu un compte suffisant, et qui ont incontestablement, dans la question qui nous occupe, la valeur d’une source de premier ordre. Dans le Sophiste (248, A), quand Platon revendique pour l’être absolu (τω παντεως οντι)le mouvement , la vie et la pensée, il ne s’agit apparemment pas de la rotation de l’Univers. Et si ce passage vise surtout les Mégariques, on sait assez que, sur la question du mouvement, Mégariques et Éléates étaient d’accord : il y